mardi 16 avril 2013

Benedictus Scenaristum

Bien des choses sont incertaines dans la vie. Qui que nous soyons, nous sommes tous confrontés aux mêmes questions. Qui suis-je ? Où vais-je ? Mais il y a une chose dont moi je suis sûr : je ne veux pas devenir un personnage des feux de l’amour ! La ville a l’air sympa, Genoa City, ses restaurants ont l’air d’être accueillants, les affaires ont l’air d’être fleurissantes mais ça s’arrête là. Quiconque pose un orteil en ce lieu maudit doit savoir qu’une force supérieure veille sur la ville…

Ils sont là. Ils sont tous là. Les Newman, les Abbott, les autres, ils sont tous là. Ils naissent, ils vivent, ils meurent... Ils souffrent ! Ils naissent pour souffrir, ils vivent pour souffrir, ils meurent en souffrant. Et tout ça pour quoi ???? Pour rassasier le plaisir sadique de millions de spectateurs à travers la planète qui, à travers cette petite lucarne qui leur sert de téléviseur, observent ces malheureux se débattre, s’entre-déchirer… Si encore la mort pouvait faire cesser les souffrances de ces pauvres protagonistes, il y aurait une certaine forme de bonté chez cette force supérieure… Mais non ! Les personnages ont beau en appeler à Dieu, rien, pas même Dieu ne peut stopper la cruauté des scénaristes des feux de l’amour.

Vous ne me croyez pas ? Prenons un exemple. Tenez ! John Abbott… John Abbott a vécu, s’est battu, a souffert et il est mort. Il aurait pu profiter enfin du repos éternel… Et bien non ! Loin de trouver le repos, son âme hante son fils par-delà la mort… La mort ! Qu’est-ce que la mort dans les feux de l’amour ? Le mourant git, allongé, sur son lit d’hôpital… Oui, dans les feux de l’amour, la mort frappe toujours dans les hôpitaux… Et autour de ce mourant, se retrouvent les proches du mourant, c’est-à-dire, la famille, quelques amis, les cadreurs, preneurs de son, scripte, réalisateur et assistants-réalisateurs. En un mot, la mort frappe toujours le mourant dans la plus stricte intimité. Bref, le mourant meurt…Mais avant de mourir, le mourant adresse un dernier salut à chacun des personnages présents… La mort sait être patiente dans les feux de l’amour… Si le gisant n’est pas passé de vie à trépas dans l’épisode, nul ne doute que les scénaristes finiront par se lasser enfin et achèveront la lente agonie du défunt.

Mais la mort en oublie certains… Comment ça, c’est pas possible ??? Je vais vous le prouver ! Prenez un personnage sans grand intérêt, Philip Chancelor III, alcoolique notoire, il meurt dans un accident de voiture. Un destin tragique qui a ému les moins insensibles parmi les sadiques qui s’adonnent à leur petite cruauté quotidienne… Bref, les secours arrivent trop tard. La veuve éplorée pleure puis quitte le feuilleton avant de revenir dix ans plus tard… Elle demande à exhumer le corps de son défunt mari et patatra… Le cercueil est vide ! Pas de corps ! Des sacs de sable… Du diable vauvert, Philip Chancelor III réapparaît plus vivant que jamais.

Il y a enfin une dernière catégorie de personnages… Ceux qui voient souvent la mort de près pour mieux la narguer. Victor Newman aurait dû mourir dix fois, vingt fois, mille fois. Accidents de voiture, blessures diverses, blessures par balle, rien n’y fait. Vous voulez un exemple ? Il se fait tirer dessus, trois balles dont une le touche pas très loin du cœur. Je me dis que ça sent bon, j’attrape les pop-corns en attendant de voir ce personnage rejoindre la longue cohorte des personnages regrettés. J’attends, j’attends, j’attends… Les épisodes passent, les médecins annoncent qu’il va mal… La mort devrait enfin frapper, par deux fois, parce que les scénaristes viennent de faire mourir la jeune et charmante Colleen… Et bien la mort de Victor Newman ne vient pas… Colleen avait une carte de donneuse d’organes… Avouez que ça tombe bien. Et en plus, elle est compatible… Avouez que ça tombe bien encore une fois… Le cœur de la malheureuse est transplanté et la mort s’éloigne de Victor Newman. Peut-être Tammin Sursok coûtait elle trop cher à la production…

Je ne veux pas être un personnage des feux de l'amour ou alors si, mais à la seule condition que je sois béni des scénaristes, Benedictus Scenaristum.

Nicolas Lechner
Avril 2013


Note : Merci à Elisa avec qui j'avais commencé à rédiger le brouillon de ce billet il y a bien longtemps.

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