dimanche 23 décembre 2012

Fin du monde, J+2

Alors que la fin du monde avait été déjà annoncée 183 fois, alors que l'aube arrachait lentement le brouillard matinal qui s'accrochait encore aux flancs de Bugarach, les journalistes s’apprêtaient à partir... Dans le chaos qui régnait, un certain ordre se dégageait, ainsi, il était possible de distinguer plusieurs catégories de personnes présentes.

D'abord, les hordes d'illuminés pris de terreur et tentant de trouver refuge dans la cité interdite, les plus nombreux. Enfin, l'arlésienne... Bugarach ne les attendait pas, Bugarach ne voulait pas les accueillir, et, désespérés mais obéissants, ils ne sont pas venus. Eric Freysselinard, le préfet de l'Aude, s'est d'ailleurs exprimé sur le sujet et à précisé que "Nous n'avons pas repéré de mouvement de population particulier avec les différents services de renseignement".

Ensuite, il y avait les gendarmes mobiles et les CRS qui étaient venus empêcher l'arrivée massive des désespérés à qui viendraient à l'idée de tenter de se réfugier dans le village ou aux alentours... Ils étaient là, eux, gendarmes et CRS, ils ont bravé le froid et la fin des temps, eux, et les seuls illuminés qu'ils ont eu à contrôler n'avaient rien de ces désespérés dont le débarquement était redouté... Un homme armé d'un pistolet électrique a été arrêté. Maigre butin.

Venus admirer la composition végétale nouvelle du petit village audois, ce magnifique assortiment floral qui se présente ainsi, un arbre, un CRS, un CRS, un arbre (merci monsieur Bernard Mabille), nombreux étaient les curieux venus pour tenter de voir le débarquement des illuminés... La guerre de Bugarach n'a pas eu lieu.

Pas de débarquement, pas de guerre mais des journalistes, des journalistes à foison... D'un côté, les stagiaires chargés d'interroger les habitants... "Croyez-vous à la fin du monde ?" "Avez-vous vu des OVNI ?" "Les extraterrestres sont-ils venus vous voir ?" Enfin, des questions évidentes auxquels chacun aurait pu répondre... Et de l'autre côté, les professionnels du journalisme, les vrais journalistes, ceux qui ont filmé des journalistes stagiaires interrogeant de pauvres gens qui n'avaient rien demandé à personne. Le problème du journaliste n'est pas qu'il doit couvrir un évènement... C'est qu'il doit en ramener des images que l'évènement ait lieu ou qu'il n'ait pas lieu...

Il y avait enfin les habitants qui ont du choisir entre l'exaspération et l'indignation et qui ont fini par faire ce que chaque personne raisonnable aurait fait devant ces hordes de journalistes : se barricader ! Bugarach était un village peuplé de 196 personnes à la veille de la fin du monde, un village fantôme le lendemain.

Et puis, il y avait... moi ! Admirant comme il est permis d'admirer les médias tenter de couvrir un évènement dont chacun a entendu parler, un évènement si important qu'il a mobilisé des journalistes de Lille à Marseille, de Brest jusqu'à Tokio. Ils étaient tous là, de TF1 à NHK (la chaîne d'information japonnaise), en passant par la BBC et CNN... Même le Huffington Post sur son site français, dont la ligne éditoriale ne peut être que sérieuse puisqu'elle est dirigée par Anne Sinclair, s'est fendu d'un direct de la fin du monde...

Une question demeure... Quand aura lieu la prochaine fin du monde ? Non pas que j'attende ce jour avec impatience, juste pour pouvoir rire une fois de plus comme on a pu rire ce 21 décembre 2012.

Nicolas Lechner
Décembre 2012

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